Comme l’a rapporté Le Devoir mercredi, des experts estiment que cet échéancier ne sera pas respecté, même si des progrès notables étaient réalisés. Une semaine après l’obligation de suspendre toute vie sociale, la fermeture des lieux de rencontres et la suppression des sports d’équipe, il est encore trop tôt pour constater les effets de ces mesures sur la courbe des nouveaux cas. Et même si une amélioration de la situation survenait dans les deux prochaines semaines, il faudrait attendre des semaines de plus afin de s’assurer que la courbe est véritablement contenue et patienter davantage pour la voir descendre.
Mercredi, en conférence de presse aux côtés de François Legault et du Dr Horacio Arruda, le ministre Christian Dubé a affirmé que ce serait une grande victoire si le nombre de cas se stabilisait dans les prochains jours et si, le 28 octobre, la courbe avait emprunté une trajectoire descendante. Il a évité de préciser si les restrictions décrétées au début du mois seraient alors levées.
Le premier ministre, François Legault, s’est alarmé de la situation dans les hôpitaux, sa « grande obsession », a-t-il dit. Les hospitalisations ont doublé ces deux dernières semaines, passant de 168 à 409 patients, et si elles continuent à augmenter exponentiellement, il y a « un risque de rupture de service ». Objectivement, le nombre d’hospitalisations n’est pas si élevé. Mais s’il y a suffisamment de lits disponibles pour les patients atteints de la COVID-19, il en va tout autrement du personnel. On apprend d’ailleurs qu’en raison du manque d’infirmières, le nombre de chirurgies reportées, qui étaient de 90 000 cet été, un niveau très préoccupant, avait bondi à 140 000.
Si le réseau dispose désormais d’une capacité de dépistage acceptable, avec une possibilité de faire plus de 25 000 tests par jour, ce n’est pas le cas de sa capacité de recherche des individus qui ont été en contact avec des personnes dont le test s’est avéré positif. Et c’est sans parler des délais indus caractérisant la transmission des résultats. Aux prises avec plus de 600 éclosions actives, le réseau peine à assurer une recherche de contacts efficace. Selon Christian Dubé, les effectifs qui se consacrent à la recherche des contacts sont passés de 800 à 1200 personnes depuis le début de la pandémie, mais c’est de 2000 employés que la Santé publique aurait besoin à cette fin. Une recherche de contacts efficace est pourtant une des six conditions essentielles, fixées par l’Organisation mondiale de la santé, pour lutter contre la propagation de la COVID-19 après un déconfinement.
Lundi, le premier ministre, François Legault, a annoncé que le Québec, à l’instar de cinq autres provinces, adoptait l’application canadienne de recherche de contacts Alerte COVID. Cet outil permet aux personnes qui possèdent un téléphone cellulaire récent de savoir si elles ont côtoyé, à moins de 2 mètres pendant 15 minutes ou plus, une personne qui vient d’obtenir un test positif.
En commission parlementaire cet été, des experts et des élus s’étaient inquiétés des menaces que ce type d’applications présentait pour la protection de la vie privée et des renseignements personnels. Beaucoup doutaient de leur efficacité.
Il appert que l’application canadienne, qui n’utilise aucune donnée de localisation ni aucun autre renseignement personnel, est parfaitement sécuritaire, selon l’évaluation du Centre gouvernemental de cyberdéfense du Québec. Quant à son efficacité, elle dépend du nombre de personnes qui acceptent de l’adopter. Selon une étude américaine citée par le ministre Éric Caire, si seulement 15 % de la population l’employait, cela contribuerait à réduire de 8 % le nombre de décès. Quoi qu’il en soit, si Alerte COVID peut s’avérer utile, ce n’est pas la panacée : elle ne pourra remplacer une robuste opération de recherche de contacts effectuée par des êtres en chair et en os.
Après le confinement presque total du printemps, bien des activités se poursuivent au Québec. Et elles doivent se poursuivre. Au premier chef, les écoles doivent rester ouvertes. « On va vivre avec ce virus-là pendant des mois et des mois », a précisé, mercredi, la directrice de la santé publique à Montréal, la Dre Mylène Drouin. Il est fort probable que les Québécois devront se résigner à s’en protéger le plus possible au-delà de la féerique échéance du 28 octobre. Reste à savoir de quoi sera fait Noël.